Strict contrôle

Ce bouton ! Ce bouton ! Patxi n’en peut plus de ce petit bout de nacre, un peu au dessus de son champ de vision restreint au dossier en cours certes, mais trop proche pour être invisible, le troisième du chemisier en partant du haut. Un bouton sauté qui laisse entrevoir beaucoup plus que ce que la rigueur professionnelle ne peut supporter et qui occupe la totalité de l’esprit de Patxi tant il fait des efforts pour ne pas le voir.

« Ça c’est bien passé ton contrôle Urssaf ? » demande Hostaika à sa collègue Maider.
« Oui, j’ai cru que l’inspecteur allait remettre en cause mes explications sur un différé d’IJSS, c’était un peu technique et j’étais un peu courte en arguments mais je l’ai convaincu. »

Fernand honteux

Quand on commence à réfléchir un petit truc sur Fernand, Fernande et qu'on se rend compte qu'on l'a déjà écrit l'année dernière, c'est que le repos s'impose.

Reposté quand même

Quand je pense à Fernand,
je me rends, je me rends.
Mais quand j’pense à Lucien,
là, je me prends en main.

On the beach

Ça y est ! J’y suis. On the beach ! Tu te rappelles surement ! Bien sur que tu te souviens de ce que tu disais : « Ah, cette chanson de Chris Rea, je la mets en boucle quand tu t’en vas. Et je nous vois tous les deux, là-bas, sur la plage, rien que nous deux ».
Moi, je me souviens bien de ce que je te répondais « Et bien, allons-y ! On est jeunes, on y va. On recommencera tout là-bas ».
Dans le baiser que tu me donnais, il y avait tout, le t’es mignon, le mon mari, le ma fille, le mon patron, le on n’a pas trop de temps, dépêchons nous de jouir au lieu de causer.

Et bien, moi, j’y suis, on the beach ! Ce n’était pas si difficile que cela en fait. Et c’est encore mieux que la chanson et les clichés. Alors ne viens pas.

Vent de sable

Sonnerie du téléphone
- Maika bai ?
- Agur, c’est Pantxika. Oh, tu as une petite voix. Tu as un souci ?
- Pas vraiment un souci, je suis dubitative.
- Raconte !
- Tu as vu le coup de vent du sud qui nous est tombé dessus hier soir ?
- Oui, de la poussière de sable partout, plein les voitures.
- Et bien, j’avais fait une petite lessive à la main juste pour une culotte et je l’avais mise à sécher dehors. Le vent l’a emportée chez le voisin.
- Ton voisin super mignon ?
- Non, l’autre mais peu importe. Ce matin, il sonne chez moi : « Tiens, c’était dans mon jardin. Je me suis dit : une culotte pleine de poussière, ça doit être à Maika ! ». Et il est parti en rigolant !
- Et cela te rend dubitative ?
- Oui, pourquoi est-ce qu’il imagine qu’une culotte poussiéreuse, c’est à moi ?
- Il doit penser que tu en mets tellement peu souvent qu’elles ont le temps de prendre la poussière.

Sujet

Quand on lit Cendrars à 14 ans,

Qu’on écoute Dvorak à 15 ans,

Qu’on découvre Camus à 16 ans,

Avec qui perd-t-on son pucelage ?

Départage

Après la chaleur étouffante de la journée, le vent de mer qui se lève avec la nuit semble une bénédiction. La terrasse devant la cuisine accueille Bitxintxo et Domenga. Ils regardent les nuages épais renforcer le noir. Un éclair silencieux, très loin, imite le filament brisé d’une lampe à incandescence et rivalise peu avec la pointe rouge du cigarillo de Bitxintxo. Domenga ne fume pas. Un brin de tabac échappé agace la langue de Bitxintxo.
Domenga se saisit de Bitxintxo d’un seul geste, précis et sur.
« Je pense que je vais déclencher la pluie avant l’orage » annonce-t-elle en affermissant sa prise.
« Tu ne prends pas de risque » souffle Bitxintxo « la pluie ne va pas venir, l’orage est trop loin ».
Domenga ne répond pas et s’applique tout en regardant la nuit et la course des nuages noirs dans le vent d’ouest.

L’éclair brutal de la foudre sur un pin très proche suspend dans l’air les premières gouttes de Bitxintxo et de pluie.
« Je ne suis pas certain que tu aies gagné » risque Bitxintxo.
« Oh, avec un flash pareil, la photo va être nette et nous départager ».

Aigre

Certes, la trajectoire n’est pas rectiligne car les pages s’ouvrent à l’air mais l’écrasement du livre vers la cheminée rend bien compte de l’état d’esprit de Kimetz.
Du fond du canapé, sans lever la tête de son propre livre, Usoa interroge :
« Encore un auteur qui veut acidifier ton plaisir ? »

Hanneton

Couchée sous l’albizzia, la tête calée sur la poitrine de Sabino, Betixa écoute le premier hanneton de la soirée vrombir pour faire descendre le soir. Avant que le ciel ne vire au sombre, un deuxième hanneton vient associer son bourdon grave dans la senteur fruitée. Betixa trouve que leur vrombissement ailé s’harmonise bien avec la plénitude post-coïtale du ronflement de Sabino.

Dans l'air

Par moments, le soleil perce et fait étinceler l’océan. Sur la plage déserte, avec la Rhune en point de mire, Donaiki et Remona marchent nus. Le vent du nord pousse devant eux le mélange de leurs fragrances d’après l’amour.
" Je suis contente que cela participe à l'odeur de ce coin du monde " déclare Donaiki.

Notarial

Lorsqu’il quitte l’office notarial, Txabi le clerc se hâte de rentrer afin de retrouver Maixa, nue propriété dont il doit gagner la jouissance quotidiennement.

Chocolatines


Ou comment découvrir que Facebook peut servir à quelque chose

Main dans la main

Joxean et Grazia partent en même temps de chez eux, deux voitures, deux trajets. Comme tous les matins, ils se suivent au moins jusqu’au moment de s’insérer dans le trafic autoroutier. Ensuite première sortie pour Grazia, quatrième sortie pour Joxean en essayant de survivre au milieu d’un flot de camions venus de toute l’Europe. Et ce matin, rien, on peut voir le bitume. Incroyable et calme. La frontière est bloquée à Biriatu, les camions stockés très en amont, l’autoroute est vide. Joxean et Grazia s’engagent sur l’autoroute sans trop y croire. Des voitures loin devant, des voitures loin derrière, un axe de circulation dégagé et aucune envie d’accélérer le tempo, juste de glisser d’un point à un autre.
C’est Joxean qui se déporte un peu pour se placer à hauteur de Grazia, sans forcer, simplement pour échanger un regard, un sourire. Et il reste là. Les deux voitures cheminent côte à côte sur l’autoroute déserte. Ce n’est pas très long finalement mais c’est un peu comme de se tenir la main pour prolonger le matin.

Ordre

Oilhan, sa miction terminée, passe ses mains sous l’eau avant de rejoindre Dominika dans le salon. Il a donc la conscience sanitairement tranquille et ne s’attend pas à la volée de bois vert qui le cueille avant même qu’il n’ait pu se poser sur le canapé :
« Qu’est ce que tu viens de faire ? » fulmine Dominika
« Rien de bien extraordinaire, je n’en ai pas mis partout et je me suis même lavé les mains » répond Oilhan surpris.
« Tu t’es lavé les mains ! Et quand s’il te plait ? »
« Et bien comme Ama(*) me l’a appris quand j’étais petit, toujours se laver les mains après avoir fait pipi. »
« Ah j’aurais du m’en douter ! Les basques et leur mère, Ama par çi ! Ama par là ! »
« Qu’est ce qu’elle a à voir la dedans ? »
« Et bien, ta mère et moi nous n’avons pas la même approche, cher Oilhan. Il y a des choses que je m’approprie dont elle n’a jamais eu l’usage te concernant et j’entends que tu te laves les mains AVANT de les toucher afin de ne pas les salir ».

(*) Ama : maman

Pratique

Xalbat sait que Hostaika est pratiquante mais il regarde cela comme un peu exotique, voir culturellement intéressant. Mais la première fois qu’il pénètre dans la chambre dont les fenêtres donnent sur la placette Justin Bourdaa, à deux pas du lieu de culte, Xalbat comprend vite qu’il ne peut être question de prise en main ou de mise en bouche contraire au Livre. Hostaika considère son air marri avec amusement et sa virgule penaude avec un grand sourire. Elle entreprend de masser avec adresse le gros orteil droit de Xalbat puis son pouce droit et elle termine par son oreille droite. L’effet est immédiat sur la vigueur de Xalbat.
« Les mères de nos mères n’ont pas amené que la recette du chocolat dans leurs malles » murmure-t-elle.

Conspiration

Sonnerie téléphone :
- Txomin Bai ?
- Arratsaldeon, c’est Maika. Tu peux me prêter un film intello, ennuyeux juste ce qu’il faut mais avec un message derrière ?
- Je dois avoir ça Maika mais d’habitude tu n’aimes que les bons gros films américains avec de beaux gosses dedans !
- Un beau gosse c’est ça le problème. Je fais la queue pour voir les films avec Matt Damon. Mais si je te dis Clint-Eastwood-les-bons-sentiments, Nelson Mandela, apartheid et rugby, toi tu fais la queue dans ton cinéma d’art et essai préféré où je ne mets jamais les tongs !
- Oui, il y a des chances.
- Alors, Eastwood, Mandela, l’apartheid, le rugby ET Matt Damon, tu vois le problème ! Cela veut dire que je vais être obligée de rentrer à l’Atalante ! Je crains un choc violent. Aussi je préfère me préparer tranquillement dans mon canapé avec la télécommande à portée de main en cas de malaise.

Double pluie

Deux étalons pottocks se dressent l’un contre l’autre à l’arrière scène sur la pente mouillée.
Deux escargots s’élèvent l’un vers l’autre sous la pluie au premier plan devant le seuil.
Deux tétons, fièrement portés par Petexa, pointent sous l’auvent du cayolar(*) à la limite du champ visuel.
Fermintxo se dit qu’il va devoir, d’ici la fin de l’averse, se dresser deux fois également.

(*) cayolar : cabane de berger sur les estives

Débarquement

Avec le mois de juin débarquent les premiers citadins qui viennent respirer nus sur les immenses plages landaises.
Pantxika constate que, de plus en plus, hommes à poil et hommes poilus ne sont pas synonymes.