Pêcher un poisson en avril : no kill or little death

Hodeiza essaye de le capturer à la main. Elle remonte le long du flanc, sous le ventre. Hodeiza le sent se redresser, sans chercher à fuir cependant. Elle fait quelques mouvements frôlants, caressants, sur toute la longueur de l’animal puis, le sentant plein, referme sa main et l’immobilise. Hodeiza descend vers la base de la queue sans relâcher l’emprise, mettant à nu la tête et étirant la bouche. Il réagit, pousse, recule. Hodeiza accompagne les soubresauts de mouvements amples et rapides afin de l’amener à se rendre. La lutte dure un peu mais il lui échappe d’un coup de rein puissant.

Hodeiza dépose sa nasse d'algues et de joncs tressés. Il ne peut résister à l’appel odorant. Il approche la tête lentement, introduit le renflement des ouïes plus loin dans les algues, progresse encore et finit par occuper voluptueusement l’espace entier. Hodeiza commence, par des mouvements lents et réguliers, à retirer la nasse, plus haut, plus loin, vers le vide où il va succomber. Mais c’est un beau combattant, il s’agite, prend le mouvement à son compte pour faire se tendre les joncs de la nasse. Hodeiza sait qu’elle doit l’attirer, le remonter. Il sait que ses coups réguliers sont sa seule chance. Et il gagne, la nasse se rend, se détend, le libère.

Hodeiza lance son filet. Il n’y échappe pas. La maille la plus fine l’emprisonne lentement, fermement. Il sent la boucle se mettre à pulser et l’enserrer inexorablement. Il succombe de félicité.

Baguette à pluriel

Toi aussi, aide K'No à régler sa baguette à pluriel

un animal, des amis k'No (le k est muet, c'est lui qui le dit)
un animal, des domik'No ( le k est toujours muet)

un animal, des asticots (beurk)

un animal, des p'tits salauds
un animal, des gros blaireaux (ça peut se dire)

un animal, des hétéros
...

Postulat avec une culotte

- Le printemps est la saison des pâquerettes et des petites culottes blanches 100% coton.
- Quelle affirmation !
- Cela n’en est pas une mais un postulat.
- ?
- J’ai besoin que vous adhériez à ma démonstration pour pouvoir la fonder.
- Je veux bien valider la première partie, les pâquerettes et le printemps.
- Allez, vous pouvez arriver à faire un lien entre les petites fleurs toutes blanches, toutes simples et les culottes de printemps.
- Vous accélérez un peu la démonstration sur la fin, non ?
- Peut-être, mais si vous validez mon postulat, je peux avancer une déduction : il y a des pâquerettes sur le gazon et vous portez une culotte blanche en coton.
- Je n’ai pas droit à un peu de dentelle ?
- Non, une culotte de printemps toute simple.
- Et comment validez-vous ? Vous ne pouvez pas vérifier ce que je porte sous mon jean.
- Non, c’est indémontrable mais cela parait légitime.
- Bavard.

Bartolomea ouvre les volets. Dans la lumière matinale printanière, les petites fleurs blanches éclairent le vert tendre de l’herbe encore rase.
Devant son tiroir à dessous, Bartolomea sourit.

La tristesse teintée de rose des petites choses qui deviennent difficiles

Dédicace double à Nathalie et Daniel qui ont parlé le même jour du désamour et
du bonheur teinté de gris des petites choses qui redeviennent possibles.

« La tartine de tarama, toute seule le soir, en écoutant France Culture, j’y renonce » dit Zélina.
« Oui, je sais. Merci » accepte Xibalt en lui prenant la main. « Nouilles et raviolis, en alternance, à partir du mercredi parce que le frigo est vide, j’arrête » tente-t-il de rebondir.
« Ca compte aussi » concède Zélina en lovant contre Xibalt. « Le téléphone aux copines pour essayer de les convaincre à chaque fois que je veux voir un film, je n’en parle plus » relance-t-elle.
« Non, désormais, je vais occuper le fauteuil à coté de toi, c’est pas simple » reconnaît Xibalt dans un souffle sur le cou. Il ajoute « Les saisons entières de séries télé pour ne pas voir passer le dimanche après midi, je tire un trait dessus ».
« Bel effort. Grand merci » répond Zélina en approchant ses lèvres.

« C’est un peu dur ce qui nous arrive ».

In hoc signo vinces

Dédié à Marco qui veut des signes.

Florintxa descend la dune et s’avance sur la plage. « Laisse-moi un peu de temps » a dit Melko. Florintxa suit la trace nette des bottes aux talons enfoncés.

Le premier signe est écrit sur le sable, un mot simple comme un appel, une interrogation. Florintxa s’arrête, regarde le mot, le sable, l’océan, le soleil qui perce et tranche les nuages noirs. Bras tendus et respiration.

Puis c’est un labyrinthe, des petits chemins larges de deux pas, avec du bois flotté marquant les culs de sacs. Florintxa s’engage, tourne un peu, recule, trouve la sortie. Elle écrit « J’ai réussi». Mains derrière la tête et respiration.

Les traces la conduisent vers deux petits bonshommes qui se donnent la main, silhouettes de bois flotté et bambou brisé posées à plat sur le sable. Florintxa dessine des bottes à l’un et une robe, une queue de cheval à l’autre. Jambes pliées et respiration.

Le signe suivant est un mot, fondamental et affirmatif. Florintxa s’en remplit complètement et déborde même jusqu’à s’approprier l’immensité de la plage vide en cette fin d’hiver.

Les traces traversent un échouage de bois un peu plus dense. Florintxa aperçoit Melko, là-bas, qui écrit sur le sable avec son pied. Florintxa trouve le début et commence à lire, pas à pas.

« J’ai cassé le talon de ma botte » dit Melko, penaud.

« L’océan va tout effacer » souffle Florintxa.
« C’est mieux, cela oblige à réécrire, tous les jours ».

On the rocks

Les grêlons ressemblent à des pâquerettes sur le vert tendre du gazon.

Primizia et Santxi prennent leurs verres et cueillent les grêlons.

Patxaran de printemps pour Santxi. Manzana de giboulée pour Primizia.

Ils trinquent de saison.

Salutations printanières

Le printemps a gagné. La seule trace visible de l’hiver demeure la longueur des nuits qui fait coïncider le lever du soleil avec la sonnerie du réveil.

Lundi. Alodia pousse le volet de la chambre et Garikoitz voit dans le cadre de la porte-fenêtre le corps d'Alodia s’offrir aux doigts roses de l’aurore qui le sculptent.

Mardi. Garikoitz ouvre, s’étire et Alodia voit le coup de vent annonçant la giboulée renvoyer le volet dans la vigueur matinale et dressée de Garikoitz.

Assaut de civilité (1)

Dédié à Moris et à son pote le cormoran

Gurutz négocie le pont Pannecau entre les deux piles. A fond. Le pont Marengo, lui, se prend à droite de la pile centrale. A fond, en serrant le quai Galuperie. L’injection de son FX HO Cruiser crache avec volupté ses 160 chevaux. Gurutz ne regrette pas son gros chèque chez Yamaha. Les vibrations sous la selle du jet-ski sont jouissives et les maisons le long de la Nive renvoient un écho puissant.

Maika entretient une poitrine généreuse, une toison fournie et se sent particulièrement femme ce jour. Maika ne regrette pas le manteau long qu’elle vient de s’offrir dans une boutique rue Victor Hugo.

Gurutz débouche, éructant de puissance, de sous le pont Marengo, lorsque Maika ouvre largement son manteau sur la rampe du quai des Corsaires. Elle est nue et sa féminité évidente cueille Gurutz la fraction de seconde suffisante pour que la pile de droite du pont Mayou devienne un obstacle réel, définitif et que le cormoran retrouve la possibilité de pêcher heureux au centre ville.

Botanique

Les magnolias sont en fleurs. Depuis une semaine, Maxingo descend du bus avant ou après son arrêt. Parfois bien avant. Parfois bien après. A pied, il fait des détours par les rues, les parcs, son regard attiré par les arbustes aux branches couvertes de rouge, de rose, de blanc, de violet. Maxingo cueille ou ramasse, c’est selon.

Depuis une semaine, chaque soir quand tout est fini, Sorina s’ouvre. Elle frisonne au contact végétal du nuancier que Maxingo dépose près de son intimité. Mais trop roses, trop veinés, trop rouges, trop pâles, les magnolias peinent à s’approcher de la subtilité des pétales de Sorina. « Celui-ci» s’enthousiasme soudain Maxingo. « Pourpre foncé, à peine veiné, c’est lui, c’est la bonne couleur ».

Le lendemain, Maxingo sait « Ce sera donc du Liliflora Nigra devant notre entrée ».

Che mentholé

Gatxan se trouve très beau sur le fond sonore du bar caraïbe : peau mate, cheveux noirs ondulés réunis par un lacet de cuir brut en un catogan sauvage, teeshirt à l’effigie du Che porté avec la désinvolture d’un surfeur arborant son Rip Curl, alcool dilué dans la main. La technique est rodée : mojito contre un sourire, mojito contre un déhanchement plus ou moins en rythme, mojito pour lever les dernières inhibitions et un préservatif dans la poche.
Betxina
est rousse et sa peau très blanche. Sa robe vole dans tous les sens même si les titres du soir sont chantés par de vieux messieurs. Betxina est la meilleure danseuse de l’endroit. Elle le sait et s’en moque.

Gatxan, comme tout le monde, ne voit que Betxina danser. Gatxan a suffisamment de certitudes après deux mojitos et profite d’un fléchissement dans le tempo : « Mojito ? » propose-t-il.
Betxina fait non de la tête, plonge ses doigts dans le verre de Gatxan, récupère les feuilles de menthe et les fait disparaître dans ses dentelles sous sa robe. Devant le regard médusé de Gatxan, elle sourit « La menthe me rafraichit, l’alcool te ramollit, tant pis pour toi » et elle retourne danser.

« J’aime ton odeur de menthe » savoure Henriko dans le matin.

Trou d'air

Recevoir le sein d'une hôtesse de l'air dans les lunettes n'est pas l'illustration idéale de s'envoyer en l'air avec quelqu'un qui vous a tapé dans l'oeil.

Tombé au champ d'honneur

14h32. Les bourses s’effondrent et le fameux taureau de bronze du Financial District de New York fait le gros dos. (AP/Lennihan)

Malgré ses fameuses bourses de bronze, le gros taureau du Financial District de New York s’effondre sur le dos.

Coup d'oeil en arrière

Maintzia, dans son rétroviseur, observe Jurgi qui sort de la voiture derrière elle. Il s’approche. Il est là, sympathique, devant la vitre qu’elle baisse un peu.
« De vous voir aussi belle et souriante, cela efface complètement ma journée de travail. Le pantin laborieux redevient un homme grâce à vous. Alors merci et bonne soirée ». Et la file avance avec le feu vert.

Sur le pont, Jurgi apparaît de nouveau « C’était un peu court tout à l’heure mais cela me plairait beaucoup de vous faire découvrir que je suis quelqu’un de bien. Appelez-moi ». Maintzia prend la petite carte de visite.

Avant de glisser dans le parking souterrain de la résidence, Maintzia aperçoit Jurgi. Il amorce un créneau dans la rue.

Maintzia prend l’ascenseur, cherche ses clés, arrive à l’étage. Jurgi ouvre la porte de leur appartement. Il s’efface pour la laisser entrer.

Bleu comme l'hiver

(Rap sur les pistes)
Neige, soleil, ski, montagnes blanches,
Catalin et Frantxoa font jouer leurs muscles.
Skis déchaussés, nage en piscine,
Catalin et Frantxoa étirent leurs muscles.
Sauna, suée, peaux nettoyées,
Catalin et Frantxoa détendent leurs muscles.
(Fin du rap)
Catalin contemple le corps musclé de Frantxoa, parfaitement nu, parfaitement détendu, parfaitement endormi dans la lumière encore allumée.
Catalin déplace délicatement les sacs souples de Frantxoa afin de pouvoir appliquer, sans dépasser, sur toute la surface fuyante, le stick à lèvres bleu électrique, haute protection, parfum noix de coco.

Sommeil réparateur. Frantxoa est vivant dès les premiers rayons de soleil.
Et Catalin, en se penchant un peu sous elle, aperçoit les sommets arrondis d’un cœur bleu renversé dont la pointe se perd dans ses propres pétales.