Mafalda

Au coin de la rue Daniel Argote, le troisième étage accueille les ardeurs d’Enara et Ttale qui remplissent de leurs cris de jouissance le silence laissé par les martinets.
Ttale, satisfait : « Explosif cet orgasme ! »
Enara, taquine : « Bai, si c’est une fille, on l’appellera Mafalda ».

Alibi narratif

Jalexis avait abandonné cette image sans texte.
J’aimerais que cela soit à moi que tu écrives ainsi, installée dans un café comme une midinette de 20 ans toi qui en as ... un peu plus. C’est un bon endroit le café ; dans la maison tu ferais en même temps plein d’autres choses, ménagères ou futiles, mais toujours plus urgentes. Là, dans ce lieu, tu m’accorderais du temps, un instant rien que pour moi, un cadeau.
Cela me plairait bien que tu me consacres un moment pour un texte sur une belle feuille de papier avec un stylo qui trace de vraies lettres de ton écriture ronde comme tes seins (... enfin il me semble que tu traces des lettres bien rondes mais cela remonte à quand la dernière fois que j’ai vu ton écriture ?) Un manuscrit, pas un électronique bien relu, bien présenté mais un texte vivant dans lequel tes hésitations sur le choix des mots, sur les accords, tes ratures, la transcription de ta pensée, de tes sentiments, tout cela transpirerait sur la page. Ce serait une vraie parcelle de toi cette écriture sur une feuille, une sensualité non retouchée.
J’aimerais que tu me donnes rendez-vous dans ce café.

Freddy (2) je dors comme un homme seul

Ci-dessous, encore un truc hors ligne éditoriale (il manque la dame et il n'y a aucune allusion de basquitude). Tout au plus un rebond sur Cendrars.

Je dors comme un homme seul. Pas au milieu du lit. Sur le coté gauche, vers la table de nuit, vers le réveil, vers la pile de livres tous commencés, jamais finis, le nouveau livre offert, acheté, remplaçant entre mes mains les pages déjà débutées, un peu comme les femmes qui se succèdent entre les draps, la nouvelle de ce soir chassant jusqu’au souvenir de la promise de la semaine dernière. Je corne les coins des pages comme j’inscris les numéros de téléphone, une promesse de lendemain que je sais ne jamais tenir.

Je dors comme un homme seul. Je travaille sans relâche à repousser les limites de la journée de labeur, volontaire pour tout ce qui est long, complexe, fastidieux pourvu que cela encombre l’esprit jusqu’au creux du lit sans t’y laisser aucune place.

Je dors comme un homme seul. Le whisky m’abrutit. Ma sueur et mes flatulences me réveillent à 3 heures. Le chivas régal est délétère. Au matin, je lave les draps qui retrouvent le lit au soir, d’une tristesse non repassée.

Je dors comme un homme seul. Anxieux dès mon coucher de devoir supporter au réveil une érection matinale crucifiant mes premiers instants de lucidité.

Je dors comme un homme seul. Loin des nuits adolescentes vierges de tout partage, mais au profond de la perte.

Je dors comme un homme seul. Je me répands, épais, sur le carrelage de la douche, mes yeux fermés concentrés sur le souvenir de tes nymphes écartées et de ton index rouge, toujours le même vernis. Cela m’emmène pour un sommeil de masse jusqu’à 3 heures. Ensuite, je creuse le noir de la nuit de mes tours et retours.

Mamia

Au sortir d'un concert :
- Lorsque tu fais croire que tu chantes en anglais alors que tu n'en comprends pas un traitre mot, on dit que tu chantes en yaourth ?
- Yes, Aïe ouana phoque iou !
- Alors lorsque tu fais croire que tu chantes en basque et que ce sont juste des sons, tu chantes en mamia ?

Dédicace spéciale à Ttirritt qui lui ne chante pas en mamia (mais avec 2 frangines un peu connues)

Ipomées

D’habitude Pette le surfeur lève les filles à Biarritz. Le Blue Cargo, c’est facile, c’est plein de parisiennes ; Pette a de beaux bras, ça plait. Là, samedi soir, avec le feu d’artifices monumental du 15 août sur la grande plage et la foule énorme venue noircir les rues de tout le front de mer, il faut mieux fuir et tenter le petit Bayonne. Pette et ses copains sont rentrés au Kixkil attirés par de la musique « ça change de l’électro » avant de se rendre compte que ça parle plutôt en euskara, que cela rocke franchement en euskara et qu’avec leurs sportwears Pette et ses copains font vraiment parisiens. Bonne soirée cependant, une fille au creux du lit, plutôt explosive - au Kixkil c’est différent du Blue Cargo, c’est plutôt la fille qui harponne -, une fille qui se lève tôt : - 6 heures, faut que je sois à Baigorri pour 8 heures – Et bien salut -, une fille qui revient vite – 6h12 : ma voiture ne démarre pas, ça t’ennuie de m’emmener à Baigorri, faut vraiment que j’y sois pour 8 heures - une fille qui bouleverse l’ordre établi de la grasse matinée du dimanche matin après une nuit de bringue.

La route est un peu longue, c’est même plus loin que Baigorri en remontant sur les Aldudes. Cela laisse le temps de comprendre. Amatxi qui ne veut pas aller à l’hôpital, qui veut mourir dans son lit, dans sa ferme.
« Le médecin avait dit qu’elle n’en avait que pour un mois et ça fait trois mois que la famille se relaye, ce dimanche c’est mon tour, je suis désolée de te faire faire cette route … on ne se connait pas en fait » explique Hostaika.
« Ce n’est pas si grave, je n’ai rien de spécial de prévu, juste retrouver les copains pour une session de surf vers 14 heures »
« Tes copains d’hier soir ? » interroge Hostaika en souriant « J’imagine bien le truc, le rassemblement des beaux gosses sur la grande plage devant le casino de Biarritz à comparer les mérites respectifs de vos conquêtes de la veille »
« Mais pas du tout » rougit Pette « d’abord notre spot c’est Ilbarritz »

Les chiens arrivent la queue joyeuse pour renifler la voiture quand elle se gare dans la cour.
« Tu as le temps de prendre un café ? » propose Hostaika.
« Pourquoi pas » répond Pette en caressant deux chiens en même temps « ce sont les chiens de ta grand-mère ? c’est quoi comme race ? »
« Des corniauds de chasse ; ils ne sont pas vraiment à Amatxi, ce sont les chiens de la maison, mes oncles les emmènent quand ils vont chasser ».
« Ils sentent … ils sentent le chien tes chiens ! »
Hostaika sourit. Il fait déjà chaud.

Pette entend les gouttes de pluie sur les grosses feuilles d’ipomées avant même de les sentir sur ses bras nus tandis qu’il décroche la lessive des fils. Juste à temps. Il a bien fait de proposer d’aider un peu après le café.

L’amatxi d’Hostaika n’est pas dans un bel état. « Elle ne souffre pas » assure Hostaika « enfin, je n’en sais rien » complète-t-elle en passant un gant de toilette sur le visage ridé. Le matin d’août était lourd avant la pluie, il est poisseux depuis. « Je crois qu’une douche lui ferait du bien. On la maintient propre mais ce n’est pas pareil. Tu peux m’aider à la porter ? » demande Hostaika.
Pette porte amatxi tout seul avec ses gros bras ; il y a trop de coudes dans les couloirs, trop de petites marches jusqu’à la salle de bains pour faire cela à deux. Le corps nu d’amatxi semble jaune sur l’émail blanc de la baignoire. Pette tient la tête doucement tandis que Hostaika savonne et douche. Amatxi parle. Enfin, il semble à Pette qu’elle parle. Mais il ne comprend rien. « Elle ne parle plus qu’euskara » commente Hostaika « elle demande le nom de mon fiancé ». Pette entend Hostaika prononcer son prénom.

« Je vais lui préparer à manger, tu peux rester un peu avec elle ? » demande Hostaika avant de quitter la chambre.
Lorsqu’elle revient, Hostaika trouve amatxi endormie, tenant la main de Pette.
« On va la laisser se reposer, on verra si elle mange plus tard, viens » .

Cuisine, grande table. Pette est plutôt pâle, assis sur le banc.
« Ça va ? » s’inquiète Hostaika.
« Pas trop, il vient de m’arriver un truc bizarre. J’étais dans la chambre avec ta grand-mère et je regardais par la fenêtre sans penser à rien. J’ai senti son regard. Elle avait les yeux grands ouverts. Je me suis approché, je me suis assis. Elle a tendu la main. Je lui ai donné la mienne. Puis elle a dit mon prénom. J’ai souri. Elle a dit ton prénom, elle m’a griffé au sang et elle a serré ma main très fort, sans la lâcher »
« Ce n’est pas très grave, elle n’est pas méchante, c’est juste une vieille personne. Fais voir ta main » sourit Hostaika en regardant la petite estafilade sur la tranche de la main droite de Pette.
« Non, ce n’est pas grave. Il n’y avait aucune méchanceté dans ses yeux. Je dirais qu’elle m’a griffé gentiment. Ce que je ne comprends pas, c’est que lorsqu’elle m’a griffé, j’ai eu une érection fulgurante ».
Hostaika pose un petit bisou sur la main de Pette « Elle a encore des restes la vieille sorgin » sourit-elle.
« … »
« C’est assez simple, elle a dit ton nom, elle a dit le mien, elle a versé le sang, les seules érections que tu auras désormais ne seront que pour moi ».
« Mais cela fait même pas 24 heures qu’on se connait ! »
« Tu n’es pas obligé d’y croire tu sais » sourit Hostaika.

Châtaigniers

Une invitation nocturne pour admirer le feu d’artifices depuis la terrasse de l’appartement d’amis. Gexan et Jaiona apportent du sagarno pour 15, c’est une grande terrasse.
« Tu sais ce que ça sent les châtaigniers en fleurs ? » interroge Gexan tout en garant la voiture devant la résidence.
« Ez, je n’ai jamais fait attention » répond Jaiona « mais c’est trop tard regarde, ils forment déjà leurs bogues ».
« Bai, c’est en voyant les arbres que j’y pense, il parait que les fleurs ont une odeur spéciale ».
« Je ne sais pas, faudra demander à ceux qui habitent en face des arbres, ils nous diront ».

Le feu d’artifices est beau, il y a du monde sur la terrasse et du sagarno en trop comme il se doit.

« J’ai demandé à Fermin pour l’odeur des châtaigniers » lance Gexan « Il dit que c’est très entêtant quand les arbres sont en fleurs et que cela sent terriblement la cyprine »
« Ce n’est pas ce que m’a dit Paxkalina » répond Jaiona « Entêtant d’accord mais l’odeur est celle du sperme ».
« C’est bizarre qu’ils n’aient pas la même perception tous les deux ; ce n’est pas pareil comme odeur »
« Ez, mais c’est lié »
« Pour nous c’est lié, c’est souvent une odeur unique et mélangée mais peut être que Paxkalina et Fermin ont des pratiques qui leur permettent de différencier les odeurs »
« Surement ; vu leurs métiers respectifs ils doivent privilégier une combinaison de chiffres ».

Ployer

Chaque matin, Aintza déplace son gros ventre de femme enceinte vers la boulangerie pour acheter sa baguette toute fraiche.
Chaque matin, Aintza constate que les branches du laurier rose de la rue Bourbaki croulent de plus en plus sous les fleurs et plient à former des arcs de cercles menaçant de se rompre.
Chaque matin, Aintza lance un regard de mépris aux branches chargées « Moi, ce n’est pas un simple coup de vent avec un grain de pollen qui m’a mise dans cet état ».

Vous pouvez pas comprendre (1)


Juste une troisième mi-temps rugby en Fédérale 3 (rugby de village quoi !) de cette année 2009. L'Euskara serait donc une langue vivante ?

Dorade

Sonnerie téléphone :

- Maika Bai ?
- Agur, c’est Txomin. Écoute Maika, c’est délicat mais est-ce que je peux venir me doucher chez toi ?
- C’est plus surprenant que délicat mais bai, tu peux venir. Tu as des problèmes de plomberie ?
- Ez, ce sont plutôt des problèmes conjugaux : ce matin, je revenais d’Anglet en vélo. Tu vois le marché aux poissons vers le pont rose ?
- Bai, la piste cyclable passe juste devant.
- Voilà, tellement devant que les piliers de l’auvent du marché s’arrêtent juste au bord de la piste, à un centimètre, tu ne vois pas les gens qui quittent les étals quand tu arrives en vélo.
- Tu as renversé une amatxi ?
- Ez, je suis passé à midi, il n’y avait plus rien à vendre, je suis arrivé juste comme une femme de pêcheur sortait en tirant ses bacs à poissons vides, j’ai freiné, buté et je suis tombé sur le tas de vieille glace qu’elle venait de jeter au bas de son étal.
- Tomber les fesses dans la glace, c’est bon pour les chocs !
- C’est ce que je me suis dit, plus de peur que de mal, je n’ai renversé personne, je remonte sur mon vélo et j’arrive chez moi. Là, ma femme se met à me renifler et à me crier dessus : Ouais, tu dis que tu vas faire du vélo mais tu vas voir ta pute et tu ne prends même pas la peine de te doucher après l’avoir sautée, tu pues la chatte de ta morue !
- Elle dit n’importe quoi, en ce moment ce qu’il y a sur la glace, ce n’est pas de la morue mais des dorades ! Allez viens, je vais t’astiquer !

Touffe

Guxen et Iduia cheminent dans les Aldudes au dessus de Baigorri. Le soleil au zénith déverse ses rayons sur toutes les montagnes basques « Nous ne sommes pas malins de marcher à cette heure là ». La fraicheur de la combe dans laquelle s’engage soudain le chemin est particulièrement bienvenue même si la pente ne s’adoucit pas.
« Tu sais que dans cette combe il y a au moins 3 grottes qui sont les entrées du domaine de Mari » déclare Guxen en prenant la main d’Iduia dans la sienne.
« Allez une histoire de sorcière ! » répond Iduia avec un éclat de rire qui fait résonner la combe.
« Ce n’est pas une histoire de sorgin » rectifie Guxen « Mari, c’est la déesse mère, celle qui sait la vérité, toujours. Si tu entres dans sa grotte, tu ne pourras plus en sortir et tu deviendras une servante de Mari pour l’éternité ».
« Et pourquoi je rentrerais dans sa grotte ? » poursuit Iduia sans cacher son sourire.
« Mais parce que Mari t’y attirera, elle a toujours besoin de servantes pour peigner sa chevelure rousse. Elle te connait, elle sait ce à quoi tu es sensible : l’or, le beau chant, la vue d’un bel homme, elle sait. Et tu entreras dans sa grotte. Et tu y resteras, marquée pour toujours de son sceau. »
« Alors pourquoi tu m’amènes ici ? tu veux te débarrasser de moi ? tu as des vues sur qui ? sur les gros seins de Pakita ? sur le petit cul de Garoa ? » rebondit Iduia en se plantant devant Guxen en riant. Elle soulève son teeshirt « alors, ils ne te plaisent plus mes seins ? » elle se retourne « et mon cul, il ne te plait plus ? » elle frotte avec insistance son bassin sur celui de Guxen qui l’empoigne, tente de l’immobiliser en riant à son tour. Iduia se dégage et lance le jeu, rite universel, vieux comme l’humanité : une fille qui court en riant et un garçon qui suit derrière, avec juste ce qu’il faut de retard pour que la course dure un peu, quelques crochets lorsque les doigts tendus du garçon sont à frôler, un petit slalom entre les chênes têtards et la capture, la chute dans les feuilles, dans la mousse, les éclats de rire et l’essoufflement de la course qui rendent les baisers maladroits malgré le désir qui insiste pour sortir. Et l’étreinte qui s’ordonne, les corps qui se dressent, qui s’ouvrent, qui se trouvent, le rythme qui s’impose.

« Hé, on nous regarde » murmure soudain Iduia en s’immobilisant. Guxen suit la direction du regard d’Iduia. Une robe rouge flotte à côté d’un chêne têtard. « C’est Mari » murmure Guxen « il faut juste continuer et ne pas mentir ». « Mais il n’est pas question qu’elle nous regarde la voyeuse ! » « C’est Mari, tu as déjà vu beaucoup de randonneuses en robe longue et pieds nus ? » La robe rouge semble bouger légèrement et le brillant d’une fine chainette en or met en valeur la blancheur d’une cheville nue. Le temps pour Iduia de bouger légèrement son regard et la robe a disparu. « Elle est surement toujours là, il faut juste continuer et ne pas mentir » poursuit Guxen en reprenant le rythme de ses assauts. « Ne pas mentir ? » interroge Iduia tout en balayant le sous bois du regard. Ne pas mentir, ne pas simuler pour faire plaisir, ne pas penser à autre chose, être complètement là, Guxen énonce les évidences en les ponctuant régulièrement, avec concentration, avec application. Et cela emporte Iduia qui oublie la robe, le sous bois et aborde l’infini en même temps que Guxen.

C’est un peu plus tard, tandis qu’ils se baignent nus dans l’eau glacée d’un torrent qu’Iduia constate qu’une petite mèche rousse agrémente désormais le bord de sa toison.

e-fêtes de Bayonne

Ce qu'il y a de bien avec les e-fêtes, c'est qu'on peut les prolonger même quand Léon est rendormi pour une année.
Arnaud qui a failli être noyé sous le déluge précédant la régate des fêtes (sur son site, c'est mieux présenté)

" Noyau dur qui tance au loin, et s’approche : on examine les nuages comme ses poumons, on ausculte son propre pouls à la mesure de l’avancée du ciel, là-bas, au loin. Quand il craque, se fend, s’ouvre en deux juste au-dessus de nous, les types qui se mettent à courir, l’eau du fleuve qui remue la boue, la lumière qui se déplace dans la seconde : on change de ville.
Ce qui se transforme, c’est justement les trajets : on court la tête dans les épaules, de biais pour éviter les gouttes qui s’abattent toutes sans exception sur nous, et en même temps, de tout leur poids ; on se réfugie sous les porches, on constitue de longue file indienne, côte à côte, le dos contre les façades, le regard levé : on attend.
On n’attend jamais que la pluie cesse — mais qu’elle ralentisse. Qu’elle se calme, qu’elle change de fréquence. On est un peu de cette pluie qui tombe moins, de moins en moins ; ce que nous attendons arrive peu à peu : quand on sort du refuge dans la ville nettoyée, sous la pluie encore là, mais si fine qu’elle ne nous atteint pas, dans la ville dont on respire à nouveau le silence et l’ordre, c’est une autre manière de marcher (plus lentement), c’est une autre façon d’appréhender le ciel.
"