Jeudi osteguna

« J’aime bien le jeudi des fêtes » murmure Remona en se pelotonnant.

« Oui, c’est le jour des enfants » complète Geraxan en lui caressant les cheveux

« Encierro txiki le matin, réveil du roi Léon à midi, pique nique géant et les jeux l’après midi, on leur a fait la journée complète à nos enfants. Du coup, ce soir, on est surs qu’ils dorment »

« Alors c’est parti pour le concours de l’orgasme le plus bruyant, bai ! ».

Tenue d'ouverture

« Alors là, ez ! Je ne me mettrai pas en blanc et rouge pour l’ouverture des fêtes, pas question ! » tempête Janamari.
Mantxo, lui, enfile sa tenue de festayre – haut blanc, foulard rouge (dans la poche avant 22h) et cinta rouge- « C’est plutôt sympa pourtant ce côté égalitaire, pas de riche, pas de pauvre, tout le monde en blanc pour faire la fête » tente-t-il par jeu.
« Ez, je ne me mettrai pas en uniforme comme tout le monde, je déteste cela, je vais mettre mon tee shirt noir d’origines contrôlées et une jupette en jean, voilà».
Mantxo sourit car il sait que Janamari va porter sous sa jupette la culotte blanche avec le petit ruban rouge qu’il lui a offert la veille.

Dessert (suite)

Une suite soufflée par une épicurienne dans les commentaire de l'histoire d'hier


« C’est un problème » reconnait Kosepa dans le bloc de pâte de coings,

« Oui, la confiture de cerises noires cela s’étale, on peut bien tartiner et, après, passer la langue dans les plis, les replis avec application et gourmandise » complète Ttale,

« Une gourmandise partagée » ajoute Kosepa « Mais pourquoi est-ce que Slowalie nous dit qu’on peut tout aussi bien utiliser de la pâte de coings ? C’est plutôt solide, ça ne s’étale pas, … »

« Peut être pour faire des mouillettes ? » propose Ttale.

Dessert

Après une soirée bien remplie à servir des touristes avides de xuleta(*), d’omelette à la morue et d’ardi gasna(**), Kosepa et Ttale quittent la cidrerie et rentrent chez l’un ou chez l’autre. Douche partagée et suite variable mais jamais en menu du jour, toujours à la carte. Cette nuit, c’est Kosepa qui choisit : « Juste le dessert du berger basque » annonce-t-elle.
« Tu n’en as pas assez servi ce soir ? » interroge Ttale filant vers le réfrigérateur chercher le pot de confiture de cerises noires.
« Ça se consomme sans faim » rétorque Kosepa.
Ttale revient un peu dépité « Je n’ai plus de confiture »
« Ce n’est pas grave » déclare Kosepa en attirant la tête de Ttale vers le soleil sous son nombril, « avec ou sans confiture de cerises noires, la délicatesse basque recommande d’user du bout de la langue pour débusquer le petit noyau ».

(*) Xuleta : côte de bœuf
(**) Ardi gasna : fromage de brebis (servi avec de la confiture de cerises noires cela devient le dessert du berger basque à la carte des cidreries)

Mes Aïeux Dégénération

- Dis donc, c’est une vraie baraque ton nouveau petit copain.
- Oui, rugby et surf.
- Tu avais besoin d’un physique rassurant après tes derniers intello poids plumes ?
- Non, j’ai craqué sur sa sensibilité !
- Un rugbyman sensible ? Raconte !
- Je suis allée aux déferlantes francophones à Capbreton, je voulais écouter les 3 Jean de Nantes, des vieux restes de cheftaine jeannette et de feux de camps. J’avais repéré le grand costaud à coté de moi, avec son gwenn ha du autour du cou. On était là à attendre sur la pelouse et un groupe québécois arrive. Je ne les connaissais pas, jeunes, voulant faire les clowns et apparemment ne pas se prendre la tête, style comiques de première partie pour chauffer la salle. Et ils démarrent le premier morceau, caisse claire seule, voix. Et là, la chair de poule ! Une émotion primaire. Au deuxième couplet, je me tourne vers le grand costaud et je vois une larme, toute petite, dans son œil droit.
- … ?
- Ben, je suis allée le consoler.

Fleur

Rainer Maria Rilke
Il parait qu'il s'agit d'une rose mais le doute est permis (ou alors il s'agit du prénom)
...
Mais quand ton propre élan t’inonde,
Tu t’ignores dans ton bouton.
...
C’est pourtant nous qui t’avons proposé
De remplir ton calice
Enchantée de cet artifice,
Ton abondance l’avait osé.
...

Poudre

L’Adour est noir de nuit et de nuages bas. Le moteur au ralenti, le bateau se maintient contre le flux descendant à hauteur de la sous préfecture. Les lumières vertes et rouges d’autres embarcations oscillent lentement un peu plus loin vers le milieu du fleuve, attendant elles aussi le début du feu d’artifice. Les spectateurs amassés sur la berge devant l’Autre Cinéma semblent une masse compacte et lointaine.

« Il n’y a pas de vent ce soir ; normalement la fumée des fusées ne doit pas venir vers nous » constate Fermintxo « Je n’aime pas trop l’odeur de la poudre » complète-t-il.

Bittori se colle à lui, accompagnant les mouvements lents du bateau. « Tu as des narines délicates, mon cœur ? » murmure-t-elle moqueuse en tendant ses lèvres.

C’est un baiser long, lent, langoureux, avec juste ce qu’il faut de vigueur, un de ces baisers qui se suffit à lui-même et qui transforme Bittori en source de désir. Ils séparent leurs lèvres comme le pont St Esprit s’éteint. Le nez callé dans l’odeur des dentelles que Bittori a fait glisser de sous sa jupe, Fermintxo voit éclater sans appréhension la première fusée bleue dans la nuit.

Reportage de foudre

Une remise de trophées en fin de saison pour féliciter tous les sportifs méritants d’euskadi, c’est véritablement l’endroit rêvé pour remplir le carnet d’adresses d’une jeune journaliste : il y a de tout à cette réception : un président, des vice-présidents, des maires, des conseillers, des présidents d’associations, des entrepreneurs impliqués dans la vie locale. Et des sportifs, les champions de la saison, champions de France dans leur discipline et catégorie, rugby, basket, aviron, pelote. Au total, plus de deux cents personnes satisfaites et contentes de raconter leur succès à une journaliste. Aussi Jana, serrant son cahier de notes sur sa poitrine, pénètre-t-elle d’un bon pas dans les locaux du Conseil Général près de la Nive. C’est grand, c’est plutôt bien refait pour une ancienne caserne. La grande salle de réception est dans l’aile, là où il y a déjà du monde. Jana s’avance sur le seuil en se rappelant le conseil de son rédacteur en chef « Repère le Président, va le saluer, il sera ravi de présenter tout le monde ». Jana balaie lentement la salle, passe sur les basketteurs, remarque quelques costumes cravates mais trop jeunes pour être le Président, glisse sur des piliers, des talonneurs et bute sur des yeux clairs fixés sur elle. Txabi s’avance, sans la quitter du regard, comme si c’était la chose la plus évidente au monde.

Le Président est un vieux politique qui connait la vie. Il devine immédiatement que la jeune femme qui serre son cahier en buvant des yeux le sourire idiot d’un ailier blondinet doit être la journaliste attendue. Il traverse lentement les groupes en serrant les mains « Bonjour ! Et félicitations ! » sans dévier de sa cible. Il accroche paternellement et fermement l’épaule de l’ailier « Bonjour ! Félicitations à toi ! » et s’approprie le champ de vision de la journaliste « Venez que je vous présente les dirigeants de toutes ces équipes de champions ». Jana se sent pousser dans un bain professionnel qui lui laisse juste le temps de noter les noms, les sports, de rendre les sourires, les poignées de mains et de tenter de poser une question voir deux, questions banales et plates tant la pointe du regard de Txabi vrille sa nuque.
Discours, remises des récompenses. Jana prend des notes, fait des photos, accepte une première flute de bulles et reste piquée au milieu du salon d’honneur durant l’heure qui suit, les yeux dans les yeux avec Txabi.

« Ça c’est bien passé ? » demande le rédacteur en chef qui a du mal à décrypter l’information transmise par le sourire radieux de Jana.

Restes d'encierro

« Oh, oh, qu’est ce que tu nous as ramené là ? » interroge le cercle d’akelarre,
« Un néo-zélandais … » commence Sorgina Bixenta,
« Ah, original, bien » apprécie le cercle,
« Et un bordelais » poursuit sans conviction Sorgina Bixenta.
« Oh non ! Encore ! La dernière fois, on a failli rater la recette » fulmine le cercle.
« Je sais, je sais » soupire Sorgina Bixenta en se débarrassant de sa tenue de secouriste et en se mettant nue comme les autres participantes au cercle « Mais il y a eu surtout des traumatismes et des contusions à l’encierro ce matin. Seuls ces deux là avaient de vraies blessures de sang. Allez, concentrons-nous ».
Et la préparation commence. Chaque sorgin s’active. L’une récupère le sang issu de cornadas de toros noirs et l’intègre dans la préparation qui bouillonne dans le chaudron. Les deux plus âgées –privilège de l’âge- empoignent les hampes des coureurs et s’activent à les dresser.
« Oh non, je suis tombée sur le bordelais » soupire Sorgina Jana devant la mollesse caoutchouteuse qui traine au creux de sa main. Mais elle ne s’en laisse pas compter et applique sous les sacs un onguent à base de peau de crapaud venimeux. Le résultat est satisfaisant. Les deux sorginak concentrent leurs efforts. C’est de leur synchronisation que dépend le succès. Leurs mains libres perçoivent les vibrations des sacs, leurs regards se croisent, l’une ralentit, l’autre force et c’est la libération simultanée des fluides qui, en des courbes parfaites, atterrissent dans le chaudron au moment exact où Sorgina Bixenta lance une pincée de piment d’Espelette.
Cri de joie sur l’akelarre et sorginak récitant en chœur la formule « Des cornes dressées jaillit le sang, des hampes dressées jaillit la vie, des pointes dressées des piments jaillit le feu et forment toutes ensemble l’onguent qui fait jaillir la vérité ».

Sorgin, sorgina, sorginak : sorcière, la sorcière, les sorcières
Akelarre : lieu de rendez-vous de sorginak

Crémaillère

Ne pas confondre pendaison de crémaillère et bandaison de rêve hier

Auvent

800 kilomètres à quatre dans une voiture trop petite avec des planches de surf sur le toit, des radars fixes et mobiles qui cueillent les points, le pont d’Aquitaine et la rocade de Bordeaux au-delà du rouge et la pluie, la pluie qui noie l’interminable N10 et les pins des Landes, la pluie qui ne s’arrête pas à l’arrivée au camping. Le pays basque est vert. Peyo et ses copains savent désormais pourquoi. Des kilos de fatigue sur les paupières. On sort quand même, c’est les vacances. On va voir les vagues, on est là pour ça. Il pleut vraiment beaucoup. On se planque dans le premier bar piège à touristes avec sangria, tapas et musique espagnole trop forte. Peyo laisse son monde et s’en va.
Les allées du camping sont désertes, vides. Ah si ! Il y a quelqu’un sous l’auvent des barbecues, quelqu’un qui fume. Peyo se sent une sympathie de naufragé pour cette silhouette. Fumer en silence à coté d’un inconnu en regardant la pluie tomber, c’est peut être une bonne idée pour se calmer du voyage, de la journée. Peyo s’approche, s’abrite, risque un sourire silencieux vers le fumeur. C’est une fille en fait, sous un sweet à capuche. La première moitié de cigarette est silencieuse. Puis un mot, c’est elle. Un rire, c’est lui. A la fin du paquet, Peyo avoue qu’il ne fume pas autant d’habitude. C’est à ce moment là que Mireia tend la main, lentement, dans sa direction.

Eguraldi txara

- Ca y est, c'est l'été, les vacances et les touristes sur les routes et les plages !
- Et comme tous les ans à la même époque, il pleut. D'ailleurs, j'arrête d'utiliser "Agur" ou "Egun on" comme salutations.
- Tu abandonnes la politesse ?
- Maintenant, je salue avec "Eguraldi txara", c'est moins hypocrite.

(mauvais temps)

Bougie

« Si la cire coule, c’est que la bougie est allumée ? » interroge Eladi en regardant ses doigts.
« Hum » acquiesce mollement Gotzon.
« Donc, j’avais raison de vouloir fêter ton anniversaire sur la plage. Tu vois bien que la flamme de cette bougie résiste au vent ».