Poussée de feuilles

Dans cette vallée d’ipparralde tellement loin de tout que chaque foyer dispose d’au moins deux véhicules, une jeune femme seule à l’arrêt de bus avec un gros sac, cela interroge. Surtout lorsque le seul car de la journée est passé depuis deux heures.

Amatxi Mari-Antxon vient voir, questionne et clopine chez amatxi Gaxuxa. Elles élaborent un plan d’action en 2 secondes.

« Agur, c’est moi » hurle Gaxuxa dans le téléphone
« Amatxi ? » s’interroge Patxi
« Oui, il faut que tu viennes »
« Mais amatxi, je suis au travail »
« Si tu réponds sur ton téléphone portable, c’est que tu n’es pas si occupé que ça. Il faut que tu viennes »
« Amatxi, je suis à Anglet, au travail »
« Et bien tu dis à ton patron que ton amatxi t’appelle et qu’il faut que tu viennes »
« Mais ça ne peut pas attendre samedi ? Je passe te voir samedi si tu veux »
« Non, tu viens maintenant, il y a quelqu’un qui t’attend »
« J’en ai pour 2 heures de route »
« Je peux la faire patienter un peu après tout ce temps »
« Mais de qui me parles-tu ? Qui m’attend ? »
« Viens, je ne peux pas t’en parler au téléphone »
« Amatxi, tu ne parles pas au téléphone, tu hurles ! »
« Mais c’est loin Anglet ! Pourquoi tu travailles si loin aussi ! Ça serait beaucoup plus simple si tu habitais ici, je ne serais pas obligée de m’occuper de tes affaires et de réparer tes bêtises. Allez, je lui dis que tu arrives». Et elle raccroche.
« Il arrive mon petit fils, il arrive » claironne-t-elle.

A l’arrêt de bus entre les deux grands-mères, Caroline hésite à se pincer. Hier, elle s’est mise au lit à 18 heures, n'ayant même plus la force de pleurer ni même celle d’avaler tous les tubes de médicaments disponibles de son appartement. Elle s’est réveillée, hagarde, deux heures plus tard avec un rêve d’une telle évidence qu’elle a bouclé un sac, pris un RER, un train de nuit, un bus à la gare de Bayonne dans la foulée pour arriver dans ce village où, il y a neuf ans, elle a passé quinze jours de vacances avec ses parents, les plus belles vacances de sa vie. Les deux grands-mères à ses cotés ont l’air de trouver cela normal, pas plus fou qu’autre chose. Caroline s’excuse, s’excuse encore. Elle va appeler un taxi pour repartir à la gare. Les deux grands-mères n’ont pas l’air de vouloir comprendre, elles se parlent en euskara, lui sourient, disent que tout va bien, que le gite loué il y a neuf ans est fermé, que les taxis ne viennent pas ici, que les montagnes sont bien dégagées aujourd’hui.

Patxi reconnait tout de suite Caroline même s’il le cache bien. Il ne pensait pas que cela faisait de telles décharges électriques de revoir une petite copine des années plus tard. Peut être que la première amoureuse à quinze ans possède un statut particulier. Patxi fait la tête à amatxi Gaxuxa « oui, je vais ouvrir le gite mais tu sais très bien où sont cachées les clés ». Patxi est juste aimable avec Caroline « j’aurais été prévenu de votre arrivée, cela aurait été mieux ». C’est quand il voit une larme sur la joue de Caroline et qu’amatxi Gaxuxa lui lance « Urde basurde buru zikina » qu’il ferme les yeux, respire, prend la main de Caroline et l’emmène vers le chêne près de la source.

« Elle te disait déjà ça ta grand-mère il y a neuf ans je me rappelle. C’est quoi ? Une malédiction ? »
« C’est quelque chose comme espèce de tête de sanglier ».

3 commentaires:

Prax a dit…

J'ai failli mettre cela en mythes et merveilles mais le personnage du chêne aurait besoin d'être développé.

Anonyme a dit…

Gora Amatxi et ses malédictions chuchotées le soir sous le Gernikako Arbola qui, lui, comprend et entend tout !
cat

Prax a dit…

Et oui, c'est lui !