Periko guette désespérément la surface de la nive depuis plus d’une semaine. Rien ne nage, ne surnage entre les eaux. Periko n’a plus qu’un morceau de pain noir et aucune envie de retourner vers les siens sans rien ramener. La honte est pire que la faim. Sans raison, il remonte le courant vide, le suit encore jusqu’à ce que la nivelle ne soit pas plus large qu’une main. La source jaillit de sous un gros rocher sur laquelle est assise la lamina. Elle regarde Periko approcher tout en coiffant ses cheveux avec un peigne en or.
« Que viens-tu faire, euskaldun ? Essayer de me voler mon peigne en or ? »
« Non » répond Periko sans hésitation « Je cherche juste des poissons pour nourrir ma maison »
« Et tu en trouves euskaldun ? »
« Non » répond Periko toujours sans hésiter. « Et j’ai honte » ajoute-t-il
La lamina continue de peigner ses cheveux blonds, lentement, en silence, jusqu’à la pointe.
Periko la regarde, sans impatience.
La lamina finit par ranger son peigne. Elle se lève du rocher et s’approche de Periko.
« Tu es beau euskaldun. Que me donnes-tu pour des poissons ? » demande-t-elle.
Periko hésite puis tend son morceau de pain noir.
« Je ne mange pas de ce pain là » sourit la lamina « Je ne mange que du pain blanc, le plus blanc qui soit. Nous autres laminak n’aimons que le blanc. As-tu quelque chose de blanc à me donner ? »
Periko réfléchit puis soupire « Hélas, non »
La lamina approche la main des sacs de vie entre les jambes de Periko « Tu mens euskaldun, tu caches ta blancheur » ; elle soupèse ; « Ne garde rien, donne moi tout et je ferai venir les poissons ».
Periko fait chanter à la lamina son chant de plaisir et délivre sa blancheur en elle. Il se redresse lentement mais la lamina le reprend « Donne m’en encore ». Periko l’entreprend une nouvelle fois. La lamina chante, une source plus profonde cette fois. Son chant fait vibrer ses nymphes qui, par leurs caresses, libère Periko une seconde fois. Il s’assied mais la lamina le reprend de nouveau « Tu peux » lui souffle-t-elle. Periko revient. La lamina trouve cette fois le chant juste, son chant, auquel Periko ne peut résister. Il se met à chanter avec elle, à l’unisson de la nive. Il vibre et se libère entièrement.
Avant le matin, la lamina fait ses ablutions dans la source du torrent. Les principes mêlés, masculin et féminin, qui s’écoulent d’elle forment ensemble, même dilués des milliers de fois, un attractif irrésistible pour les saumons qui quittent la mer et, faisant fi des obstacles, remontent nives et nivelles vers cette source de désir primitif.
1793-1794, année révolutionnaire | Musée Carnavalet
Il y a 1 jour
4 commentaires:
Ce n'est pas compliqué de repeupler les rivières
on lirait bien ces histoires de laminak aux enfants pour leur apprendre les choses de la vie.
c'est tellement joli!
Milesker
ah le désir primitif, ya que ça de vrai !
bises
cat
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