Pastore lore

Le meilleur endroit pour voir les pottock quitter la Rhune avant de s’élancer dans les rues d’Ascain est au dessus du parking des carrières : il y a un peu de pente, la piste s’élargit et les pottock prennent de l’élan poussés par les courageux qui ont couru la Rhune toute la matinée pour les rassembler. Gehaxina s’est placée au croisement à coté d’autres spectateurs qui, comme elle, vont tenter de canaliser le déferlement des pottock dans le virage à droite.
Gehaxina attend. Il ne pleut pas encore. Elle sait que Fermintxo court la montagne depuis ce matin. Il lui a promis un irrintzina au passage de la crête.
Gehaxina est patiente. Elle devine avant même de le voir au dessus d’elle dans le ciel, juste sous le nuage, bai, c’est un vol, une dizaine d’oies qui se relayent en V vers le sud. Son premier vol de la saison. Presqu’aussitôt un irrintzina jaillit, puis un autre répond. Et le premier pottok apparait se découpant sur la crête. Et d’autres pottock en file se détachent à contre jour. Il semble à Gehaxina que le défilé n’en finit pas là-haut. Il y a un blanc, un creux puis les premiers guides apparaissent à grandes enjambées, suivis de juments suitées puis cela déboule, cloches, hennissements des poulains dans le flot, martellement des sabots sur les pierres de la piste. Le flux accélère, les hommes, les chiens courent, les pottok évitent les spectateurs et coupent le virage de l’autre coté, ils coupent même beaucoup, écrasant sur plus de trois mètres les bruyères, les tuyas, tout ce qui se met devant eux. Gehaxina sent la palpitation sourde des 600 sabots qui lui remonte jusqu’au creux du ventre tandis qu’elle voit Fermintxo courir après un poulain noir échappé, Fermintxo tomber, se relever, reprendre sa course le bâton en l’air et ramener le poulain dans le flot. Il ne va pas la voir tellement il est porté par la course ? il cherche du regard sans ralentir, bai. Sourire éclatant d’un bonheur primitif.

La pluie n’en peut plus de patienter et elle se lance pleine force. Effort et pluie, les pottock fument très vite et lâchent leurs tonnes de crottin dans les rues d’Ascain. La pluie nettoie.

« Tu as encore de l’énergie après une matinée passée à courir la Rhune ! » s’exclame Gehaxina en contemplant Fermintxo au sortir de la douche.
« Bai, c’est moi l’étalon du troupeau ! »
« Quel troupeau ? La seule et l’unique c’est moi, sinon je coupe ! » hennit Gehaxina en assurant sa prise sur la hampe.

Dans le lit de Gehaxina, après.
Gehaxina ne peut pas dire que Fermintxo ronfle, ez. Il dort simplement. Brisé, rompu, heureux.
Gehaxina quitte le lit, gagne la fenêtre et regarde la pluie tomber.
« Pluie, pottock descendus, premier vol. C’est le bon moment pour convaincre Fermintxo de s’installer ici pour qu’on passe l’automne ensemble. Au moins l’automne ».

7 commentaires:

Prax a dit…

Une transhumance de pottock, le galop des sabots sur la pierre, ça prend vraiment aux tripes.
Un peu comme une charge de cavalerie, je suppose.

Berthoise a dit…

C'est beaucoup plus poétique que la saison des betteraves. Mais pour les vibrations, je te promets qu'un betteravier lancé à vive allure sur une route de campagne, ça te remue aussi jusqu'aux tripes.

Prax a dit…

berthoise : oh mais ma chérie qu'est ce que tu as , tu es toute chose !
je viens de croiser un bettravier et il m'a mis des vibrations partout, viens vite que j'explose, sur le canapé, la table de la cuisine où tu veux mais vite.

On ne doit pas s'ennuyer dans l'Oise à cette saison de vibrations !

madame de K a dit…

"La pluie n'en peut plus de patienter" la pluie serait-elle éjaculateuse précoce en Euskadi ?

Prax a dit…

mme de k : éjaculatrice ?

txita a dit…

quand on remonte des carrières, il y a une bergerie, où j'ai souvent passé des week end, et où j'ai eu tout ce que tu as dit, et plus encore, les feux d'artifice de tout la côte le 14 juillet devant un barbecue!

Prax a dit…

txita : heureuse femme !