Jeudi certitude


« De toutes façons, à 16 ans, si tu ne vas pas défier les vachettes place St André, c’est que tu es une petite bite ! »
Alors les cadets rugby deuxième année, ils y vont. Pas les gros de devant, ez, mais 6 des lignes arrières. Allez hop ! on passe les barrières.
« Finalement, j’y vais pas » lance un centre.
« Et bien garde nos téléphones, petite bite »
La première vache, ils ne voient pas grand-chose, cela se passe de l’autre côté de la place, vers la Treille.
La deuxième vache, une rouge, est vive et coureuse. Elle sème la panique très vite, ça vole en l’air sans que, au raz de la place, on comprenne bien où elle va débouler. Elle arrive très vite sur les cadets, qui par réflexe, évitent le bolide en sautant, en trébuchant. Eclats de rire.
« Ouh, elle va vite ! »
« Bai, c’est pas pour les petites bites ! »
« Si elle te chope, ça découpe ! »
La troisième et la quatrième vache, Gaizko, l’ailier de poche, prend de l’assurance : finalement une vache lancée ça va tout droit alors, avec un bon appui intérieur au dernier moment, tu évites les cornes. Le seul problème, c’est le monde, surtout ceux qui stationnent en rigolant et qui ne rigolent plus lorsqu’ils sont un obstacle devant la vache.
A la cinquième vache, Gaizko est chaud « j’suis pas une petite bite », il appelle la charge et lance sa course au plus près des cornes, il est vraiment à fond, l’adrénaline de la course sur max, il va prendre son appui pour décrocher lorsque l’idiot devant, avec sa bouteille en plastique, se fige, se retourne et se prend Gaizko plein cadre, pleine tête et la vachette en complément.

Gaizko se réveille dans l’ambulance des secouristes.
« Ça va mieux ? » lui demande la secouriste, plutôt jeune d’ailleurs.
« J’ai été touché où ? » interroge Gaizko en découvrant les traces de sang sur son teeshirt blanc.
« Nulle part, on a cru mais non, le sang sur toi c’est l’arcade sourcilière de l’autre gars, on est en train de le recoudre, toi tu n’as rien, tu as juste été bien sonné et la vachette n’a pas loupé ton fond de culotte ».
Et Gaizko s’aperçoit que les restes de son short et de son caleçon ne cachent plus grand-chose de son intimité à cette secouriste, plutôt jeune d’ailleurs.
L’érection qui découle de cette prise de conscience, et que Gaizko tente maladroitement de masquer avec ses mains en coque, le confirme définitivement dans sa certitude de ne pas être une petite bite.

Illustration Nadège

12 commentaires:

Prax a dit…

Il doit y avoir aussi des rites féminins.

Berthoise a dit…

Voilà pourquoi, je ne comprends pas qu'on coure devant une vache, je n'ai jamais eu à prouver que je n'étais pas une petite bite.
Quant aux rites féminins, j'attends avec impatience ta version.

Nadège a dit…

Croustillant, génial, éducatif (ton texte), j'ai foncé dans ton histoire tout en évitant les cornes de la vachette.

Rites féminins :
T'es pas cap de sortir sans soutif !!!

Prax a dit…

berthoise : je conçois que cela soit difficile à comprendre cette culture des jeux avec des vachettes hargneuses. Je vais même te l'illustrer : nous étions avec des amis d'Eure et Loir à un spectacle de vachettes : écarteurs, sauteurs, sauts dans le béret, du beau spectacle. Puis pour amuser les touristes, une course à la cocarde (attraper la cocarde entre les cornes de la vache): ça secouait un peu. Puis le speaker annonce : " Et maintenant le petit veau " "Ah !" Et tous les gamins, gamines de se ruer dans l'arène pour aller se faire culbuter, bousculer par un petit bolide de 50 kg. Et le speaker de rajouter " Bon, les parents soyez sérieux, pas en dessous de 7 ans les enfants sur la piste ! " Nos amis d'Eure et Loir ne comprenaient pas " Mais chez nous, tu laisses ton enfant faire cela, c'est de la mise en danger ! Tes voisins, ils font un signalement et tu as l'assistante sociale qui descend ! ".
C'est du frisson sans rien à gagner. Complètement primitif.

nadège : milesker, je fonce sur les tétons libres !

Berthoise a dit…

Mais les cornes, ça fait mal, non? c'est dangereux ? Barge, complètement barge. Attention barge n'est pas une insulte : sympathique mais franchement allumé du cigare. Je pense que devant un spectacle pareil, je crèverai de trouille. Je ne suis pas bien courageuse, faut dire.

Berthoise a dit…

Je crèveraiS, merci.
@ Nadège : nous ne sommes décidément pas de la même génération, sortir sans soutif ! au feu, les soutifs ! tu sais le slogan féministe, alors sortir sans soutif, pfft, peccadille. :D

Prax a dit…

berthoise : il y a des boules sur les cornes, ce n'est pas pointu (ça te donne un bon coup mais cela ne tranche pas)

Nadège a dit…

@ Berthoise
Tu as sans doute raison et pourtant là j'étais à fond!
C'est vrai que le version féminine de Prax n'est pas facile à trouver.

Prax a dit…

nadège : j'aime bien ton idée, je vais creuser

cat a dit…

Défier les vaches a 16 ans n'engage pas finalement que la petite b.. ne demeure pas, par la suite .. malheureusement .. comme quoi même les vachettes n'y peuvent rien !

madame de K a dit…

le rite initiatique des filles c'est de faire à manger pour beau-papa et belle-maman ;-)

Prax a dit…

mme de k : fais moi de la soupe aux légumes comme maman !