A cette heure là

D’habitude, à cette heure là, Kimetz est encore au fond du lit. Aujourd’hui, à cette heure là, Kimetz sort son âme de militant pour distribuer la bonne parole à l’équipe du matin de l’hôpital de Bayonne.
Il fait encore nuit, toujours froid mais les jeunes femmes qui embauchent vont plutôt d’un bon pas et sourient volontiers à Kimetz en prenant son tract.
« Et oui, à l’hôpital, le personnel est surtout féminin » grince Kimetz in petto.

D’habitude, à cette heure là, Kimetz est encore au fond du lit avec une érection matinale habituelle et rassurante. Aujourd’hui, à cette heure là, Kimetz est dans le même état et souhaite que la physiologie se calme pour pouvoir rendre autre chose qu’un sourire gêné en se cachant derrière son paquet de tracts.

Baptème

« Moi, pour me vider les poumons de toute la poussière, je marche. Et toi ? » Le tutoiement est venu tout seul. Comme le sourire, le regard fixe et brillant.
« Cela ne fait pas très longtemps que je suis dans la région, je ne connais pas bien les endroits où l’on peut se promener » répond Pascal en tournant un peu gauchement sa touillette en plastique dans le gobelet de café sans sucre.
« Tu as déjà fait la Rhune quand même ? » questionne Udana sans relâcher sourire ni regard.
« La Rhune ? Oui, quand mes parents sont venus, on a fait la Rhune » sourit Pascal.
« Avec tes parents ? Alors tu as pris le petit train ? »
« Ça ne compte pas de prendre le petit train ? »
« C’est plus joli à pied quand même. Et meilleur pour les poumons ».
Pascal acquiesce d’un sourire. « Tu reveux un café ? » Finalement, à 8 heures du matin dans des bureaux déserts, le responsable sauvegarde maintenance est aussi perdu et esseulé que la personne qui passe l’aspirateur depuis 6 heures.

Et Udana montre le chemin de la Rhune à Pascal.

Et le petit bourgeon d’Udana se frotte avec adresse sur les ronces douces tandis que le baliveau de Paxkal comble et fait résonner le sous bois.

Compter fleurette

En piquant les premières petites pâquerettes de l’année dans la toison d’Udana, Kimetz se dit qu’il ne comprend vraiment pas ceux qui n’aiment pas le printemps.

Rayons

Un jour de plein soleil après des hectolitres de pluie. « On va faire du vélo vers Ustaritz ! » s’enthousiasme Maixa.

L’idée est tellement bonne que tout Bayonne se retrouve sur la piste cyclable. « Les poussettes prennent l’air » constate Zigor en zigzaguant entre les grappes mère, grand-mère, grande sœur à peine le gymnase de la Floride dépassé.

Les vélos à roulettes et leurs zigzags imprévisibles, les dangereuses bandes de vieilles dames à 4 de front sur toute la largeur, il y a du monde partout même sur l’eau, avec embouteillage de yolettes dans le coude de la Nive après la plaine d’Ansot. « L’Aviron est de sortie » remarque Maixa tandis que le bleu et blanc des pelles apparait et disparait au rythme des rameurs.

« Je ne comprends pas comment on peut avoir envie de ramer sur une rivière aussi étroite » grogne Zigor, rameur sur l’Adour à la Nautique et qui snobe ceux qui ont peur des grands plans d’eau.

« Cela devrait se calmer après le centre équestre » risque Maixa.

Cela ne se calme pas mais cela s’enrichit de chiens en goguette et de rollers. Et pas question de faire une pause dans les bois, les barthes ont été inondées avec les dernières pluies. « On rentre ? » propose Zigor.


« Finalement, on en a bien pris l’air » constate Maixa, un peu plus tard, en s’étirant sur le dos tandis que Zigor ferme la fenêtre par laquelle le soleil a déversé ses flots de lumière sur le lit.

« Bai, on a même pris des couleurs, tu as les pommettes roses ».

Fanion

Un weekend de ski dans un chalet familial pyrénéen surpeuplé, c’est sympathique, amusant, bon pour l’estomac et le foie mais peu propice aux instants à deux. Aussi Nerea et Periko ont-ils attendu leur retour au dernier étage d’un petit immeuble en pierre de taille sur la rue Floquet pour marquer la St Valentin.
« Bai, c’est la bonne taille » dit Periko en regardant l’étiquette. « Bai, c’est amusant comme cadeau mais je ne me vois pas porter un string ficelle, vraiment pas. Et je ne veux pas être prétentieux mais je n’arriverai pas à mettre tout dedans, même au repos » sourit-il. « Et encore moins lorsque tu me fais un hommage à l'origine du monde ».
« Moi ? Tu sais bien que je n’ai pas ta culture picturale, je ne vois vraiment pas ce à quoi tu fais référence » minaude Nerea en s’écartant un petit peu plus.
L’effet artistique est immédiat sur Periko.
« Regarde, elle est si tendue qu’on pourrait y accrocher un fanion » décrète-t-il en entortillant les ficelles du string le long de sa hampe.
« Un hommage en forme de lever des couleurs » conclut Nerea.

Amour propre

C’est presque prévisible mais non formulé ; c’est attendu mais caché au fin fond de l’inconscient. Ce n’est donc pas vraiment une surprise si Katixa la luzienne accepte au pied levé de passer chez Pako au Boucau après le boulot sur un prétexte mal réfléchi et assez irréaliste.
C’est presque prévisible la timidité qui revient au galop alors que Pako est si drôle d’habitude. C’est attendu ce geste de Katixa d’enrouler sans fin la pointe de ses cheveux sur ses doigts. Il faut juste un peu de temps pour formuler, enfin, dégager l’inconscient, enfin ; voilà ; un regard enfin fixe.

Un premier après. Moment de somnolence douillette. « Tu veux rester ? » propose Pako. Instant. Katixa sort du lit. « J’aurais pas dû, j’aurais pas dû » se reproche silencieusement Pako. Instant. Katixa revient se glisser sous la couette. « Oh mais tu as les mains froides ! » grogne Pako.
« Je n’ai pas envie de me faire un aller et retour vers St Jean demain matin avant l’embauche ».
« … ? »
« Je viens de laver ma petite culotte, elle sera sèche pour demain ».

Un deuxième après. « Tu n’as jamais pensé à installer un petit étendoir devant le radiateur dans ta salle de bains ? » questionne Katixa.

Souffle (2bis)

« Alors fort coup de vent ou tempête pour cette nuit ? » s’interroge le client au comptoir devant sa tasse en lisant Sud Ouest.
Ohiana ne peut répondre avec la précision que dicte une inspection intime mais en frottant discrètement ses cuisses sous la table, elle décèle une humidité légère sans être excessive. Un coup de vent peut être mais surement pas une tempête.
« De toutes façons, je n’ai qu’une réparation provisoire sur mon Velux, je ne peux pas prendre de risque cette nuit » soupire-t-elle.

Heureux comme Hector

Heure de sortie du lycée. Ça traine entre les rayonnages de la librairie.
« Tu connais Andromaque ? » questionne Txabi la tête penchée devant le présentoir à gauche.
« Oui, c’est ma position préférée » répond impulsivement Ametza avant de rougir.


Près de toi, au dessus des toits,
Sous les toits, au dessus de toi.

Chantonne Ametza un peu plus tard dans la soirée.

Relevailles

« La poêle de la chandeleur, c’est moi qui tiens le manche » déclare Orreaga en se ruant sur Leandro nu et désarmé sous la douche.